YC Aligator Film & Kando présentent
Qu' est-ce que je fais là ?
un regard en psychiatrie contemporaine
Unité de Crise et d'urgences psychiatriques
Cliniques universitaires Saint-Luc, Bruxelles

INTENTIONS
Ce film, tourné et monté au plus près de la vérité chronologique des soins, se soucie de réalités intimes. Progressivement, cet angle nous fait pénétrer dans un lieu où les limites humaines convergent, nous concernent et nous ressemblent. C’est une immersion dans un bain humain qui rejoint pour notre part la normalité de la folie.
En tournant à l’Unité de Crise et d’urgences psychiatriques de Saint-Luc, c’est ce que nous recherchions : permettre de regarder et de ressentir.
Le film fait l’essai d’une réflexion contemporaine sur ce que signifie « être dans une situation psychiatrique aujourd’hui ».
Qu’est-ce que je fais là ? , c’est la profondeur de l’un et de l’autre : le soigné et le soignant, dans l’observation de différentes situations, qui évite le spectaculaire et se mesure avec retenue par rapport à une détresse immense, autant redoutée de l’un et l’autre.
Nous conservons bien en mémoire les désirs et les craintes de l’équipe soignante par rapport au film en train de se faire avec et chez eux, et aussi nos propres refoulements.
Qu’est-ce-que je fais là ? parle de ce que l’on voit dans l’Unité de Crise mais aussi évidemment de la façon de le regarder.
Dans ce film, nous ne travaillons que sur le regard tout en souhaitant laisser le spectateur libre du sien.
Le travail effectué dans une salle d’urgences psychiatriques est souvent impénétrable pour des personnes qui n’en ont pas l’expérience. Entre les images d’Epinal communes, utilisation importante de la contention, de la médication ou d’autres moyens coercitifs, et la réalité du vécu des intervenants, persiste une distorsion que l’art cinématographique avec sa capacité de dévoiler sans trop montrer pourrait interroger.
L’idée d’un film quand il m’a été proposé était selon moi complexe à penser ̶ que montrer ? Comment ? Avec quels objectifs ? Comment assurer les dimensions déontologiques et éthiques d’un tel projet ? ̶ Et simultanément une tentative de réponse, incertaine et partielle, aux interpellations, soucieuses ou quasi impudiques, régulièrement énoncées sur la réalité du travail de la crise.
L’immense respect ressenti pour le travail clinique effectué, avec ses aléas, ses imperfections et ses doutes, et la pudeur, cette juste distance des réalisateurs Paule Muxel et Bertrand de Solliers a croisé mon envie et celle des membres de l’équipe de l’Unité de Crise de découvrir autrement ce que nous faisons tous les jours à l’aide du regard sur soi qu’amène le film.
Nous avons donc été heureux de participer à ce film, vécu comme une surprise ̶ « Je ne me reconnais pas dans la pensée des autres quand elle devient totalisante, quand elle cadastre le réel au lieu de le vivre et d’accepter ses surprises » écrit Gérard Macé ̶ et dans le désir persistant de dévoiler ce qui peut l’être dans notre quotidien de soignants.
Gérald Deschietere, Responsable Unité de Crise,
Cliniques universitaires Saint-Luc, 2019
Qu’est-ce que je fais là ? tourné à l’Unité de Crise et d’urgences psychiatriques des Cliniques Saint-Luc à Bruxelles, dévoile clairement un temps de soin. C’est exceptionnel. Il montre le soin psychiatrique dans ses débuts, avec ses gestes d’accueil et le choix attentif des mots que font les soignants lors de ces moments précis du premier contact avec un nouveau patient, lequel d’ailleurs ne se pense pas malade.
Ce qui est filmé dans cette Unité constitue le moment-clé de la psychiatrie : c'est l'accueil humain et chaleureux d'une personne perdue dans sa souffrance psychique, là d'abord reconnue 'homme ou femme' avant tout diagnostic et tout soin et le début d'un accompagnement qui se poursuivra ainsi.
Sans le soutien d’aucun commentaire, nous comprenons ce qui se déroule et ce qui permet à chaque patient de peu à peu nouer un lien et comprendre ‘ce qu’il fait là’ alors qu’il vient de vivre une rupture confuse avec son environnement.
Nous apprécions la qualité de l’enseignement considérable que ce film apporte pour de nouveaux soignants, tout aussi bien que pour l’information du grand public. Certes n’est pas précisée la complexité de la formation préalable de ces soignants, ni le contexte novateur de l’organisation de la psychiatrie en Belgique en 2019. Autres débats.
Ce qui est redouté dans la réalisation de ces films, outre la question complexe de l’accord de chaque personne filmée, c’est de laisser croire « qu’il suffirait de copier ce qui est filmé » pour soigner. Pure illusion : ce qui soigne est seulement l’expérience concrète et renouvelée de liberté dans laquelle se trouve un soignant au moment présent pour accueillir l’autre et attendre qu’ainsi « porté », comme dit Pierre Delion, psychiatre, l’autre advienne à sa vérité et à son désir de communiquer, à sa façon.
Guy Baillon, psychiatre